• I sing in the rain, vieux chnok..

    I sing in the rain, vieux chnok..

      

    Hier, mon grand-père est mort l’année passée.

    Grosse vie malheureuse de vieux papi pas content.

    On l’a pas vue passer ben ben les dernières années, on l’avait quasiment oublié, comme disparu dans le crotté de la ville.
    Y’a fait son gros bonhomme de chemin ailleurs que dans notre jardin.
    Y’a fait ça tu seul comme un grand dans son lit avec son angine pis ses guenilles. Y’a décidé que c’était le temps d’arrêter de boire, que c’était le temps de manger des nuages asteure.
    C’était un discret le grand-père. Il s’échappait pis il l’échappait.
    C’t’un visionnaire de garde-robe qui a jamais sorti sa robe de son garde-robe.
    Trop pissou.
    Y’a flopé avec ses j’ t’aime. 
    C’tait un fantôme.
    C’tait le Casper qui a jamais rencontré son Gostbusters.
    Il se faufilait dans les murs, il se fondait dans laine minérale,  y passait dins tuyaux de la maison, on le perdait dans des litres de liquide, y disparaissait, y se digérait pis y se noyait.
    C’était un malheureux, y sentait le vieux parfum. C’tait un vieil abat-jour.
    On l’aimait pareil le vieux.
    Le problème, c’est que plus on l’aimait pis plus on le revoyait jamais.
    Y disparaissait de l’amour.
    C’tait un magicien. C’t’un comique, un illusionniste, y disparaissait de l’amour pendant cinq ans pis un matin on recevait un téléphone, c’était lui, comme si de rien n’était, y nous parlait de sa soupe... Y nous disait qu’y faisait une soupe pis y raccrochait. Pas de nouvelles pendant deux ans. Pas trop de question, juste l’habitude…

    Vieille affaire de mousse aux crevettes.
    Tu cassais de la céramique. T'étais le meilleur. T’aurais pu être le meilleur des p’tits constructeurs, mais tu t’es enfargé dans ton goulot.
    Plus de mousse aux crevettes pis plus de p'tits gâteaux aux cerises... 
    Un régime de goulot.

    T’avais oublié de mourir dans ta vie. Tu t’étais pas mis d’argent de côté pour ta mort de nono. On est resté pogné avec ta facture, une mort à crédit pour ta vie pas d’intérêt.
    Je ne suis même pas allée te voir pour ta dernière barouette. 
    J’ai même pas viré une dernière chaloupe avec toi, vieux chnok.
    On s’aimait tellement toi pis moi, tu me racontais des histoires de niaiseries de la vie pis moi je buvais tes paroles de papi... 

     
    La dernière fois que je t’ai vu, tu faisais du pouce, tu étais assis sur une caisse de bière sur le coin d’une rue pas propre pis tu m’as pas reconnu…  Je t’ai garroché une couple de cennes, j’ai regardé ton mal de vivre en pleine face pis j’t’ai varlopé  une charrue d’amour pour que tu dégrises, que tu te réveilles pis que tu vois le lift de famille que t’as pas pogné, que t’as manqué.

    Ta façon à toi de dire j’t’aime, c’était de faire de la peine.

    C’est à ton tour de brailler dins nuages asteure.
    De brailler toute la bière que t’as ingurgitée dans ta vie de misérable.
     

    Il pleut du St-Raphael pis de la bière depuis un an. Les dépanneurs  ont  fermé, pus besoin de payer pour boire. On ouvre la bouche au ciel, on chante pis on danse d’ivresse grâce à toi....

      

    I sing in the rain vieux chnok que j’aime.


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  • Commentaires

    1
    Pas-la-vieille-fille
    Vendredi 17 Février 2012 à 14:46

    Chère Falope,

    Mon grand-père est mort, moi aussi, l'année passée. Ça m'a fait plus de peine pour ma mère, qui fermait en même temps un chapitre de sa vie, un méchant chapitre ! Une maudite bonne affaire si tu veux mon avis ! Pas la mort du bonhomme, non, mais de savoir qu'y serait pus jamais là pour y faire d'la peine, pour la décevoir.

    J'le connaissais pas ben ben. Dans un moment de sobriété, y'était venu nous voir chez nous, pour aider mon père à rénover à maison. C'était une façon de se racheter, j'pense. C'était aussi la première fois que j'le voyais, j'l'avais peut-être vu avant, mais j'm'en rappelais pus. Ma mère gardait un p'tit bout' chou dans ce temps-là, pis le p'tit bout' chou, il le suivait partout avec son marteau en plastique, pis mon grand-père trouvait ça drôle !

    J'me souviens, il nous gardait, pis j'lui avais demandé si on pouvait s'faire à dîner. J'lui avais dit : " Grand-papa, on peut-tu s'faire des frites ? ". Je l'avais appelé "grand-papa" pis ses yeux étaient devenus pleins d'eau.

    Plus tard, y'est r'venu d'l'épicerie avec une bouteille de vin... J'pense pas qu'il l'a bue, parce que ma mère, a l'a regardé avec une chaloupe de déception dins yeux. Mais il l'avait acheté pareil...

    C'est la dernière fois que je l'ai vu.

    2
    Ti-nonc
    Dimanche 19 Février 2012 à 20:08

    C'est bien d'avoir le regard des autres générations cela permet de s'aligner sur la pensée des plus jeunes qui sommes-toutes diffère oui, mais il s'agît bien du même être énigmatique qui a refusé le bonheur toute sa vie préférant se renfermer dans tout plein de choses sauf sa famille qui lui a tendu les bras plus d'une fois!

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