• Je viens pas d'ici

      

    Je viens pas d’ici

    Je suis un chien sans médaille

    Je viens du fin fond du Québec sur le bord de la trail à Jacques Cartier pis sa gang de colons pleins de scorbuts.
    Les même qui ont décidé que chez nous ce serait un bon spot pour faire du troc, que ça serait une bonne idée de souler les Montagnais pis de vendre des manteaux de fourrure à Michèle Richard.

    Une ville plate avec des noms de rue en alphabet pour une gang d’analphabètes
    Une ville dans laquelle notre histoire est une gifle en pleine face
    Un face à face de couleur
    Les Blancs contre les  Rouges game over

    Y sont là, comme une ombre, comme une vapeur d’alcool dans une réserve.
    On les caches, on les scotche devant leur tv, on leur donne une tite carte qui payent les taxes pis on leur dit qu’ils ont leur place.
    On les flatte temps en temps pour qu’ils se ferment la yeule pis qu’ils nous sacre patience, qu’ils disparaissent pis qu’on voit trop souvent leurs faces de O’Keeff pis de contrebande ; c’est pas bon pour le tourisme local. Le touriste en bermudas, avec sa calotte pleine de belles couleurs tropicales qui paye ben cher pour venir voir les grosses baleines, y veut pas voir ça, lui, quand y’est en vacances, du monde pas propre, qui nous remettent en pleines face notre histoire.

    Mes grands-parents y’est appelaient les sauvages, les peaux rouges, les Indiens de marde, les bs en peau de babiche, les fumeux de taxes, les squatteux de tipi, les gosseux de plumes pis les enculeux de totems. Y’ont fini par les sacrer dans un beau paquet de peuple des Premières Nation, y les ont posté dans des cabanes pis y’ont clôturé leur histoire pour pas qu’elle déborde au-delà des frontières du supportable...
    Y font ben notre affaire pareil, les Indiens de marde, quand vient le temps de s’esclaffer le patrimoine pis de parader notre beau pays ; on sort les moins sauvages, on leur crisse une couple de plumes pis on vend des gogosses à leur effigie.

    Quand j’tais p’tite, j’avais une amie qu’on appelait la grosse indienne en jogging, elle avait toujours le même chandail pas propre avec des traces de crottes de fromage dessus. A m’avait dit un jour que son père venait d’une longue lignée de guerrier pis de guérisseur.  Elle a disparu du paysage en 5ème année la grosse indienne en jogging pas propre pleine de traces de crotte de fromage, y’a une belle madame en jupe toute ben repassée qui est venue la chercher...
    J’ai compris plus tard qu’à cause de nos bonnes idées de colons ben c’est à coup de viol pis de ''viens souper ma p’tite tabarnak'' que son père, joueur de bingo guerrier guérisseur, guérissait son manque d’identité pis de valeurs.

    Je sais pas si y’a de l’espoir.
    Moi chus partie de chez nous, comme ben du monde, pus capable de vivre dans le reflet de notre pays de marde.
    Peut-être qu’à force que le monde soit plus capable des voir, peut-être qu’à force que le monde décide des fuir, p’têtre qu’à force que le monde décrisse pis décide de déménager leur hypocrisie dins grandes villes…
    Ben p’têtre qu’y vont finir par r’prendre leur place sur leur territoire…

    En attendant, avant que tout le monde ait envie de prendre la main de son voisin pis de se flatter le mélodrame, je me dis que je suis p’t’être aussi ben de m’acheter des cartes postales de ma ville natale, de célébrer notre victoire électorale, de manger des chemises à carreaux pis de chier des casques de poil.

     


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