• EllE, Graff et bottes de cadet, 15 ans plus tard

    J’ai treize ans aujourd’hui, je fais mon entrée au secondaire, je connais personne. Je fit pas, je m’habille pas comme les autres, j’ai l’air d’un clown, c’est pas de ma faute, mes parents m’ont pas élevée standard.
    Je tombe sur un drôle de numéro semblable à moi, EllE, moins extravagante dans son accoutrement, moins voyante que moi avec mon nœud papillon pis mes pantalons carottés, mais un genre d’extravagance de parole pis une répartie hors  de l’ordinaire pour une fille de 14 ans… J’étais en secondaire 1 pis elle était en secondaire 2, mais elle avait poché son anglais facque je pense qu’on avait un cours ensemble.
    Je suis allé chez elle une première fois, j’ai pris la bus toute seule, comme une grande, pour me rendre dans sa belle maison à Rock Forest. J’ai fait rire son père, il trouvait que je ressemblais à une souris…
    Sa maison est devenue notre quartier général. On se faisait des partys de piscine, on fumait des cigarettes en cachette, y’avait une machine à coke qui nous garochait de la bière su’l bord de la piscine, c’tait le paradis, pas de palmier. On sortait au Graff avec nos fausses cartes pis notre rouge à lèvre noir, on écoutait Pulp Fiction sur le divan mou dans son salon pis on avait peur des coups de fusil. Nos parents nous donnaient 10 piasses par semaine, on se sentait riche. 10 piasses pour rien, juste pour nos beaux yeux. Une allocation de la semaine qu’ils disaient. Ils nous payaient pour être leurs enfants, 16 cennes de l’heure pour être les enfants de nos parents.


    EllE, était amie avec un sourire pis un drag queen. Beau mélange, une recette gagnante pour moi qui feelait pas rapport dans le normal. J’avais enfin trouvé chaussure à mon pied ; genre bottes de cadet, c’tait cool ça des bottes de cadet, on en avait tous une paire, on portait ça avec des jupes. On était cool à l’école, on était les plus cool marginaux de l’école.
    Plus tard y’en a d’autre qui ont essayé de se greffer à nous, mais ça n’a pas duré. Juste une fois, avec la fille du cours d’Économie Familiale, le cours où on apprenait à coudre une paire de boxer pis à faire un macaroni au steak haché. C’te fille là, a collé comme une mouche sur un papier collant. On est devenu cinq inséparables. On a fait des tas de niaiseries ensemble, pas toujours propres, propres...

    EllE, c’était la maman de tout le monde… C’était notre conscience, notre sagesse. C’était la maman de tout le monde parce qu’elle a appris ça jeune d’être la maman de tout le monde… Pas le choix, sa mère c’tait une dérape, c’est EllE qui a élevée ses sœurs.  Elle avait juste 15 ans, mais on aurait dit qu’elle en avait 150 tellement qu’elle était mature, une vieille âme, une sagesse de Gandalf. Quand elle était tannée de jouer à la mère avec nous autres pis qu’elle voulait en avoir une mère elle aussi, elle venait dormir chez moi, parler des heures avec la mienne, ma mère à moi que je partageais avec elle…

    Elle a 30 ans aujourd’hui mon amie. Elle a toujours été là. Malgré la distance, parfois les années qui ont passées sans qu’on s’en rende compte, malgré nos vies différentes, moi pis mon batifolage, elle avec l’amour de sa vie... On était loin, mais j’avais quand même toujours cette impression là de présence flottante au dessus de ma tête, l’assurance de pouvoir compter sur une vraie amie.

    Tu es venue me chercher un matin, dans mon drame, y’a pas si longtemps. Tu nous as embarqués dans ton char moi et mon fils de 10 jours pis tu nous as promenés loin de notre histoire. Tu m’as fait rire, tu m’as sortie de mon gouffre, tu m’as donnée un peu d’espoir ce matin là, tu m’as donnée un peu de courage pour garder le cap sur ma vie. Des amies comme toi, ça ne passe pas souvent et quand on a la chance d’en attraper une au passage, on remercie la vie de nous l’avoir envoyé. Moi je suis chanceuse, j’en ai reçue quatre au passage, quatre tous différents, mais tous aussi précieux.

     

    On est les cinq doigts de la main.

    On est l’As, le Valet, le Roi, la Reine pis le Joker.

    On est le trio Mc croustillant avec extra poutine et entrée de Mc croquettes.

    On est les cinq mousquetaires…Pis ton épée à toi mon amie, c’est de l’amour.

      

    Bonne fête EllE

     


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    J’ai pas écrit parce que je vie dans mon char depuis 10 jours.
    Mon appartement est sinistré, contaminé. Y’a des rubans jaunes sur ma porte, comme à l’Halloween avec DANGER-DANGER-DANGER écrient dessus  pis c’est même pas le temps des citrouilles.
    J’ai cassé une ampoule pleine de mercure, j ai paniqué et j’ai évacué le quartier. C’est l’état d’urgence, l’armé s’en vient nous parader ses gros chars d’assaut pis ses p’tits casques en feutrine. Mes voisins vivent dans des tentes au bout de la rue, ça sent le swing jusqu’au Carrefour. On mange de la soupe aux barley en communauté pis le quartier d’à côté nous varlope son vieux stock de linge. Le soir, on se fait un feu, on se fait griller des marshmallows pis des saucisses sur des pôles à rideaux, on sort nos vieux tamtams pis nos vieilles guitares qu’on a achetés parce qu’on trouvait ça cool d’avoir des tamtams pis des guitares même si on sait pas en jouer, c’est une osti de bonne occasion de faire nos frais devants les voisins.
    Tout le quartier est solidaire, même le voisin coké.
    Tout ça à cause d’une ampoule cassée et d’un livre : Les maladies émergentes.  

     

    Moi, je nathuropatise et je psychosomatise beaucoup. J’ai toujours besoin de trouver une raison environnementale à mes maladies. Quand on vit dans un monde où on attrape un cancer en se brossant les dents, il faut se méfier,  il faut prévenir pour se protéger. Faut se tenir propre du dedans pis du dehors. Je me suis procuré ce merveilleux livre, plein de belles images angoissantes et de paranoïa collective pire que tous les sites de théorie du complot réuni ensemble…
    Je suis dupe, je crois tout, surtout quand c’est écrit dans un livre pis qu’y a une préface écrite par un médecin…
    J’ai passé au travers du livre d’une traite. J’ai fait des tonnes de crises d’épilepsie et j’ai symptomatisé toutes les maladies possibles…

     

    Il y a dix jours, j’ai cassé une ampoule. Une ampoule en slinky pleine de mercure. Du mercure, tu ne veux pas ça dans ton body. Ça se colle sur tes articulations, tu respires comme un trou de balayeuse pis tu deviens mongol du cerveau.
    Je l’ai cassé l’ampoule en slinky pis j’ai paniqué. Un fucking branle bas de combats d’évacuation générale. Ben important de pas être en contact avec l’ampoule brisée, d’aérer la maison et de câlisser son camp au plus sacrament, C’est ça qui était écrit dans mon livre, c’est ça que j’ai fait.
    Depuis l’accident, je prends trois pilules de décontamination par jour pis mon fils aussi.
    Pas de chance à prendre. Je protège notre santé, je suis une mère attentive et dévouée.

    Y’a juste un problème..
    Je suis pas certaine des effets du monoxyde de carbone sur notre santé depuis dix jours pis mon livre de réponses est resté sur le comptoir de la cuisine.
    J’suis fourrée, je ne connais pas  la suite des procédures..
    J’aimerais ben ça savoir quand je vais pouvoir réintégrer mon domicile pis c’est qui le cave qui va s’occuper de ramasser ladite ampoule?
    En attendant une réponse du ciel, je me décontamine au carbone, je fais du camping dans ma voiture et je socialise avec les gens de mon quartier.
    C’est le genre de catastrophe qui rapproche.


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  • La nuit j'ai des projets, des grands projets de nuit d'insomnie.
    Entre 2
     h 30 et 4 h 30 du matin tout le monde dort sauf moi.
    Le calme plat, juste des ronflements pis des g
    argouillis de souper pas digéré.
    2
    h 30 pile tapantes, toutes les nuits, je me réveille, pas de surprise.
    Je regarde l'heure sur mon cadran; 2 h 30
    , ponctuelle de réveil.
    L'heure est
    affichée en rouge sur mon cadran, y'a comme urgence de se lever.
    2
    h 30 en rouge pompier.

    C'est
    pas tout à fait une nuit blanche, c'est plus une nuit de couleur complémentaire, genre beige, je dirais.
    Je traîne au lit. Je fais la grasse obscurité. Je vais faire pipi, je commence mon
    chift de nuit. Les yeux collés, je ramasse un verre d'eau dans un verre pas propre pis je retourne me coucher debout, réveillée, pas de lumière, les yeux ouverts ou fermés, je m'en fou, de toute façon je vois rien, y fait noir comme dans le cul d'un ours dans ma cave.
    Je suis productive à 2 h 30 du matin, je fais tous les métiers dans ma tête. C'est pas permis de faire du bruit la nuit, facque j'exerce tous les métiers dans ma tête en me frottant les orteils ensemble.
    Si tout le monde qui reste réveillé la nuit pendant 2 heures se
    rassemblait, on en prendrait des grandes décisions ensemble, pas de détour pis pas de niaisage. Quand t'as juste 2 heures pour faire de quoi d'intelligent, tu te forces... On pourrait se partir une ville avec un maire pis toute. Un conseil de ville qui opère, pas de tatawinage.

    Mais on le fait pas parce que
    c'est pas permis de faire du bruit la nuit.
    C'est pas permis de chahuter et de contester la nuit. La nuit, c'est fait pour dormir un point c'est tout. Pas question de faire son original pis de rester réveiller, trop de chance de se faire pogner par la police du sommeil pis de se faire jeter dans une prison d'insomniaques pire que Guantanamo. C'est le Vietnam ces prisons-là. Ils nous enferment tous ensemble dans une pièce capitonnée de duvet d'oie, ils nous passent Tree of life en boucle avec des belles berceuses en background pis on est obligé de boire des tonnes d'infusion de valériane pis de se faire masser avec de l'huile essentielle de lavande. Un vrai cauchemar. Je veux pas ça, je veux vivre ma vie d'insomniaque librement.
    Mais je suis civilisé, je sais vivre en société, je
    somnambulise de façon respectueuse et contrôlée. Ça se passe dans ma tête, comme ben des affaires... pas question de sortir ma drille pour faire une couple de rénovations.
    Je me pogne pas le beigne pour autant, allez pas croire.
    Je travaille en crisse, je fais des gros
    chifts fatiguants à la vitesse du pas de lumière. Je suis comptable, conseillère en orientation, psychologue, agente de voyage, réalisatrice de films d'épouvantes, blogeuse, artiste peintre, conseillère financière, secrétaire de répondeur, je guéris l'arthrite de ma mère en plus de suivre des cours de ski nautique et de cuisine moléculaire.

    Je suis ben fatigué
    e ces temps-ci, je pense à prendre un congé de maladie de mes nuits d'insomnie. Épuisement professionnel. Mon médecin va me prescrire des pilules roses pis je pourrai plus travailler de nuit. Trop dangereux de s'endormir en travaillant. Faut que je trouve quelqu'un pour me remplacer durant mon congé. J'ai passé une annonce sur Kijiji, mais c'est pas ben, ben populaire comme emploi. C'est pas bien payé pis le monde est déjà débordé de fatigue accumulée.

      


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    Je rumine et je dialogue intérieur.

    Je dis pas les choses directement, je me les dis intérieurement et je me construis une maison de personnages pour me répondre. Je suis spécialiste en décoration  de dialogues intérieurs. Je mets ça beau, zen, feng shui avec des belles couleurs tendances. Un beau dialogue coloré full stainless. Je réponds de style contemporain.  Mes lignes sont droites et épurées, on comprend le sens, droit au but, je dessine bien, mes mots sont fluides et bien pesés. C’est beau en-dedans, c’est parfait, tout est à sa place, il y a un espace pour chaque chose, mon personnage de rationalité est maître de la maison, ma culpabilité se couche toute la journée dans sa chambre pas peinturée et ma colère est partie magasiner un cinéma maison pour le sous-sol. On cohabite bien, c’est l’harmonie intérieure.

    Je suis bien chez moi, c’est confortable et rassurant. Des fois je sors, pas souvent, mais des fois je sors. J’y vais tranquillement, je suis comme un chat qui marche pour la première fois dans la neige, j’assume pas mes pas, j’ai le poil qui dresse, je fais des pipis nerveux, je  laisse des traces de pipi jaune dans la neige et ça passe pas inaperçu chez l’interlocuteur, ça, du pipi jaune sur la neige en avant d’une maison. Je fais pipi sur le terrain de mon interlocuteur pis y’aime pas ça parce que c’est pas raccord avec ses volets.

    Je fais des visites libres de ma maison de temps en temps, mais les gens enlèvent pas leur bottes, ils mettent pas de pantoufles, y sont souvent ben pressés de partir…  Je suis toujours bien préparée pourtant, je mets la table pour la discussion, j’ai une liste de hors d’œuvres de sujets, un menu de réponses et un dessert de politesse.
    Quand j’ouvre la porte de ma maison y’a toujours un coup de vent qui me ramasse le bras pis ça me sort en canevas et en improvisation. Je suis fourrée parce que le vent déplace mes meubles de réponses bien formulées et apprises par cœur. Des fois, je réussis à rentrer dans ma maison rejoindre mes invités, mais juste des fois, pas toujours, souvent ça fait mon affaire de partir en coup de vent...  Mais si la charrue a le malheur de me ramasser avec sa pelle et me ramener auprès de mes invités, je constate les dégâts et je meuble les silences avec n’importe quel accessoire, même si ça fit pas. Je magasine des réponses à une vitesse vertigineuse. J’endure pas le vide, je remplis, je remplis, je remplis, je suis compulsive de remplissage de réponses. Je préfère remplir avec n’importe quelle connerie que de supporter un silence. C’est comme une fenêtre pas de rideau, tout le monde peut voir ce qu’il se passe en-dedans. Je suis transparente comme une fenêtre, mais le problème c’est qu’on passe pas au travers.

    Quand y’a des silences, ma mère dit qu’y a un ange qui passe…  C’est beau , c’est spirituel, ça fait doux, on le voit dans notre tête l’ange frisé avec sa couche, ça sent l’encens, on entend les clochettes d’une librairie ésotérique avec une belle musique de vague, doux comme un nuage, doux comme des caresses de minou, doux, doux, doux, doux, doux…
    Bull shit, crisse : j’ai jamais vu d’ange passer pendant un de mes silences. Je vois juste quelqu’un qui magasine en crisse en-dedans pour trouver de quoi à dire, mais qu’y se pète la gueule dans le centre d’achats en s’enfargeant dans ses sacs de réponses…

    Moi, les anges qui passent, je tire dessus avec ma carabine.

     


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    Il était une fois,

    Il était une fois un beau conte de fée comme dins livres avec des belles images aux couleurs pastels.
    Un beau prince charmant sur un cheval allemand pis moi la princesse sur une grosse jument japonaise.
    Maladroite de princesse qui fait une grosse grimace de face pas belle au prince charmant en le voyant pour la première fois par la fenêtre du château..
    Pas capable d’agir normalement...  Surement à cause de la méchante sorcière d’ex-blonde pas fine qui m’a jeté un mauvais sort de jalousie…
    Moi la princesse aux cheveux longs ben mêlés, j’ai oublié de me faire coiffer par une souris avant le rendez-vous; ça me donne un look pas propre, une allure ratée. J'ai l'air de la demi soeur de Cendrillon. J’ai chaud, je sue dans ma robe à crinoline, je suis rouge comme une pomme à l’arsenic, tellement angoissé à l’idée d’aller délivrer mon prince charmant dans sa tour de tenons et mortaise, prit dans les griffes manucurées de la méchante sorcière.
    Le prince charmant nerveux comme un caniche. Frisé comme c’est pas possible. Frisé comme c’est pas permis. Tellement frisé qu’il a une carte comme les Amérindiens, mais pour les frisés. Y paye pas de taxe tellement y’est frisé.
    Lui, il passe la porte du château country, ses cheveux en premier, sur une toune des Bee Gees en background.

    Face à face de grande épopée, duel de citrouille.
    Regards figés comme un pied-de-poule. Bégaiements de baguette magique,  15 ans plus tard avec des cheveux gris.
    La grosse fée marraine fait le service aux tables.
    Mon prince commande une bière dans une pantoufle de verre et se penche pour me la faire essayer. Elle me fait, c’est du 8 onces. 
    Nous montons dans la tour du château, nous passons par la réception prendre la clé et grimpons par mes cheveux…

    Feux d’artifice d’Orlando Disney et pétarade de Mickey Mouse toute la nuit..
    Matin de pneus de carrosse qui dégonflent pis de retour à la réalité.
    Retour dans mon histoire à moi de girafes qui couinent pis de marionnettes qui chantent.
    Retour à la sienne avec sa sorcière bien aimée.

    Ces histoires-là, ça se mélangent pas, désolé, ça lèvent pas, ça collent pas, c’est un gâteau de princesse rose qui effouère, c’est des ingrédients pas compatibles, c’est du soda pis du vinaigre, c’est moléculaire, c’est chimique comme la cuisine….

    Dans 15 ans qui sait, on se reverra mon beau frisé... Pis là, p't-être ben que le gâteau va lever...


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